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Levées de fond

3 octobre au 11 novembre 2023

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Voyage en pleine guerre civile

En 1982, Patricia(soeur du Père Armand) et moi( Eugène, beau-frère du padre) sommes allés au Guatemala en compagnie de Thaïs, une amie de la famille, durant la période la plus intense d’une guerre civile. Nous étions probablement les seuls touristes au Guatemala! Le Père Armand ne nous a pas découragés d’y aller. Pour lui, dans ce patelin isolé de Champerico, la vie était presque normale, sauf que pour ses déplacements, l’évêque de Quetzaltenango lui avait donné un sauf-conduit pour traverser les multiples barrages militaires. Le Père Armand était très prudent lors de réunions, d’homélies et même dans ses fréquentations. Il ne voulait pas prendre parti pour aucun belligérant et n’a pratiquement pas été inquiété durant cette période. Le premier soir de notre arrivée, nous nous rendions à notre hôtel « Le Martita », à deux rues du presbytère, petit hôtel de quelques chambres situé au-dessus d’un restaurant. Tout en marchant, les femmes regardaient un peu partout, mais surtout la pleine lune, se demandant si c’était la même vue de chez nous! Soudainement, je les prends par le bras et les dirige en toute hâte vers l’hôtel; nous venions de passer à un mètre d’un poste de garde entouré de sacs de sable avec quatre ou cinq jeunes soldats armés de mitrailleuses. Ils surveillaient le va-et-vient de quelques personnes dans la rue. À l’hôtel, notre chambre était située au bout d’un couloir sombre. En passant devant les portes entre ouvertes, nous avons aperçu de jeunes soldats armés de carabines, presque plus lourdes qu’eux, qui consommaient de l’alcool et faisaient la fête. Il fallait parler très bas afin qu’ils ne soupçonnent pas notre présence. La porte de notre chambre ne barrait même pas. La fatigue aidant, nous nous sommes finalement endormis. Le lendemain matin vers huit heures, tout était calme, ils étaient tous partis. Durant les quelques jours qui suivirent, tout se passa bien, même si nous côtoyions régulièrement les soldats armés circulant dans le village. Nous restions calmes et prudents. Mes compagnes passaient plusieurs heures à la plage, au marché et à nous cuisiner des plats de chez nous. Moi, j'accompagnais le Père Armand et Frère Réjean dans leur travail et leurs visites; souvent, on me donnait des travaux à faire, pas toujours intéressants, mais cela fait partie d’un voyage en mission. J’ai vu des camions de l’armée patrouillant partout dans le village pour enlever de force des hommes et même des enfants de moins de seize ans pour les conduire à une base militaire située à quelques kilomètres de Champerico. Ils étaient enrôlés et devaient suivre un entraînement militaire sévère. Après chaque patrouille, des mères se présentaient au presbytère implorant le Père Armand d’intercéder auprès des autorités militaires pour faire libérer leur mari ou leur fils. Le Père Armand connaissait un haut gradé et lui remettait une liste de noms. Quelques jours plus tard, plusieurs étaient libérés au grand soulagement des mères reconnaissantes. Nous étions vraiment dans un pays en état de guerre!   Dans notre prochaine publication, je vous raconterai un drame qui aurait pu avoir de graves conséquences sur nous tous.   À bientôt, Eugène Sergerie Revue mars 2012  

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